Je me souviens parfaitement de la première exposition du musée du Quai Branly située en mezzanine que j’ai visitée à l’été 2006. Intitulée « Qu’est-ce qu’un corps ? », cette exposition remettait en question notre perception occidentale du corps. Parmi les œuvres exposées, je me souviens particulièrement d’une sorte de cocon, ou peut-être d’un cochon à la gueule béante, qui se voulait une reproduction miniature des grandes maisons des hommes. Cet intrigant objet était appelé « monstre de vannerie » ou kaiemunu.
C’est également à cette occasion que j’ai appris que ces maisons des hommes, caractéristiques du Golfe de Papouasie, et que je découvrais pour la première fois en photographie, symbolisaient des ventres maternels. Leur fonction était d’engloutir les garçons novices pour les « régurgiter », transformés en hommes véritables. Cette matrice, spécifiquement masculine, se manifestait à travers la grande maison elle-même, mais aussi les objets sacrés que constituaient les rhombes, ainsi que ces petits monstres conservés dans les recoins des maisons longues, où les enfants sont amenés à pénétrer.
Près de vingt ans plus tard, en revisitant les photographies prises au début du XXe siècle dans le Golfe de Papouasie, je suis frappée par le fait que de nombreux photographes aient pu accéder à ce qui devait être un lieu secret. Ces contenants, dotés d’une puissance symbolique telle qu’ils pouvaient métamorphoser leur contenu – le novice – en un être accompli, ce que l’on pourrait qualifier de véritable personne, continuent de m’étonner.
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Photo : Ove Eh, un enfant du village d’Ukiravi dans son kaiemunu, dans la maison longue Mira Ravi © Williams, 1922
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