Un légendaire poteau de hangar à pirogues – Santa Ana

On se souvient probablement de la belle exposition L’éclat des ombres présentée au musée du Quai Branly fin 2014 ou, plus éloignée encore, celle du Musée Dapper intitulée L’art d’être un homme qui s’est tenue entre octobre 2009 et juillet 2010.

Poteau-eclat-des-ombres

Elles ont eu en commun de nous faire découvrir cette sculpture en provenance de l’île de Santa Ana (Owa Raha) dans l’archipel des Salomon.
Cet objet était encore bien connu de très anciens Parisiens puisqu’il avait été présenté par Charles Ratton lors de L’exposition surréaliste d’objets de 1936, une photo attestant de sa présence dans le jardin de la galerie :

Jardin-1936
Il s’agit d’un poteau de hangar à pirogues de Santa Ana. Celui-ci, ainsi que le très célèbre figurant un couple exposé au Pavillon des Sessions, a très probablement été acheté sur place par Hugo Adolf Bernatzik durant son séjour de 1932 chez Heinrich Küper. Les deux poteaux furent du reste raccourcis à Paris par Ratton.

Kuper-poteau
Heinrich Küper était un ancien militaire déserteur allemand qui vécut entre 1910 et 1950 à Gupuna sur Santa Ana. Il faut lire l’excellent article de Sandra Revolon : Heinrich Küper : le Blanc dont on parle à mi-voix, pour se faire une idée sur ce personnage qui a réussi à prendre un terrible ascendant sur les populations locales ! La photographie ci-dessus, prise par Eugen Paravicini, ethnologue devenu conservateur au musée de Bâle, entre 1927 et 1928, atteste de la présence du poteau dans le jardin de Küper.

Maison-hommes
Quant à l’emplacement initial du poteau, on en sait encore plus grâce à une photographie de Martin Johnson (ci-dessus) qui a accompagné Jack London dans son périple dans les mers du sud et qui date de 1908.
On pourrait encore en dire davantage sur cet extraordinaire objet, probable représentation d’un Ataro, être divin maître des éléments marins. Il faudrait pour cela analyser ses riches parures et sa place dans une maison cérémonielle, lieu tabou par excellence où se mêlaient la conservation des pirogues pour la pêche à la bonite et celle des reliquaires aux crânes de défunts, mais aussi hangar sacré pour les initiations des jeunes garçons.
Tout cela nous a été raconté avec passion par Isabelle Tassignon, conservatrice des collections d’archéologie et d’ethnologie à la Fondation Gandur pour l’Art, qui est intervenue jeudi dernier à la Galerie Meyer Oceanic & Eskimo Art.
On retrouvera dans l’article d’Isabelle Tassignon : Le géant des terribles Salomon de nombreuses précisions sur le poteau et on découvrira à l’occasion les autres oeuvres de cette collection genevoise.
La conférence est maintenant en ligne sur le site de la Galerie Meyer :


Photos 1 et 2 : de l’autrice à l’occasion de l’exposition L’éclat des Ombres, 2014.
Photo 3 : Jardin de la galerie Charles Ratton, « Exposition surréaliste d’objets », 1936, collection particulière in L’éclats des ombres, 2014, p.170.
Photo 4 : Poteau de maison des hommes, photo d’Eugen Paravicini, Santa Ana, 1927-1928, © museum der kulturen Bâle. in Charles Ratton. L’invention des arts « primitifs », catalogue d’exposition 2013, p.62.
Photo 5 : Aofa de Gupuna © The Jack London Papers. The Huntington Library, San Marino, California sur le site de la Fondation Gandur pour l’art.

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑