C’est avec émotion que j’ai appris le décès de François Neyt, à l’âge de 86 ans. Spécialiste des arts d’Afrique, il avait honoré notre association Détours des Mondes d’une conférence en 2015 sur les Arts de la Côte d’Ivoire, suivie d’un sympathique déjeuner. Je conserve l’image d’un homme humble et lumineux, dont la joie tranquille, la bienveillance et la simplicité inspiraient réellement confiance.
Né au Katanga en 1939, il y passa ses jeunes années avant de poursuivre en 1957 ses études en Belgique, où il se consacra à la céramique étrusque puis à la philologie classique à l’Université catholique de Louvain. Moine bénédictin à Saint-André d’Ottignies, il revint vers l’Afrique pour y enseigner les arts africains à l’Université officielle du Congo puis à l’Université nationale du Zaïre, puis régulièrement pour faire ses recherches sur l’histoire des arts.
Dans un article de Roger Pierre Turine du 28 juillet 2010 dans la Libre.be intitulé De l’Abbaye au Congo, François Neyt raconte : » J’y partais en qualité de moine bénédictin et on me proposa de donner des cours de grammaire comparée à l’Université officielle du Congo doublés d’un cours d’art africain. N’y connaissant rien, je suis allé voir Maessen au musée de Tervuren, je me suis pointé au musée de l’Homme, à Paris, et je suis parti en tremblant. Sur place, je me suis rendu compte que les étudiants connaissaient juste l’art de leur groupe ethnique, sans plus. Or, nous en étions à la zaïrisation voulue par Mobutu et le secteur des arts était en expansion. Des collaborations se sont nouées avec les musées nationaux dirigés par le frère Cornet. Des études morphologiques et stylistiques et des récoltes d’objets suivirent, sur le terrain. Cornet officia à Kinshasa, et moi à Lubumbashi. »
En 1975, avec Louis de Strycker, il publia la première monographie sur l’art des Hemba, suivie en 1977 de son ouvrage majeur La grande statuaire Hemba du Zaïre. Il poursuivit avec les Luba en 1993 (accompagnant une exposition au musée Dapper), puis avec les Songye en 2009.
Mais François Neyt ne s’est pas limité aux grandes traditions : il consacra aussi une étude aux Holo (1982), et s’intéressa aux cultures méconnues du Nigeria, avec L’art Eket (1979) et Les Arts du Benue aux racines des traditions (1985). Plus tard, il élargit encore son champ avec Trésors de Côte d’Ivoire (2014).

Beaucoup se souviennent de la belle exposition Fleuve Congo au musée du quai Branly en 2010. En 2024, il participait encore à la publication The World of Songye, couronnée du prix du meilleur livre d’art africain de l’année.
Ethnologue, archéologue et historien d’art, François Neyt nous lègue une œuvre qui fait autorité sur l’étude de multiples cultures d’Afrique noire. Ses grandes monographies, comme ses ouvrages emblématiques, resteront des repères essentiels pour tous les passionnés :
La grande statuaire Hemba du Zaïre (1977)
L’Art Eket (1979)
Arts traditionnels et histoire au Zaïre (1981)
Les Arts de la Benue aux racines des traditions (1985)
Luba, aux sources du Zaïre (1994)
Songye. La redoutable statuaire d’Afrique centrale (2009)
Fleuve Congo (2010)
Trésors de Côte d’Ivoire (2014)

Mais au-delà de l’érudition, je veux garder en mémoire son sourire, sa bienveillance et cette joie tranquille qu’il apportait à ceux qui croisaient son chemin.
J’ai conservé depuis longtemps une courte vidéo en date du 7 février 1995 dont j’ignore la source et les droits.Je la partage néanmoins ici :
Photo 1 extraite de la video ci-dessus

Chère Martine, Quelle tristesse, mais aussi quelles preciosités ce vídeo e ton hommage à François. Moi aussi, j’ai appris son décèss en rétard, hier soir, au travers le message de Bruno Claessens.
La dernière fois que j’ai reçu quelques mots de François fût en 2022, par email. Il préparait déjà son oeuvre sur les basonge parue en 2024 et m’a dit de son regret par la disparition petit a petit des membres du monastère, déjà très vide et avec très peu de vieillards, solitairement. Je te dois des nouvelles depuis un an plus au moins, suite à ta lettre par email personnel. J’essaie de remettre ma vie sur les rails d’une nouvelle manière, ce qui n’est pas facile. Mais je sens qu’avec le temps, je serai moins submergée par mes émotions et plus heureuse.
Je vois que tu voyages et travailles toujours beaucoup. Bravo ! J’espère que toi et ta famille vous portez bien. Gros bisous, Lisy.
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